– À PROPOS DES VIOLENCES URBAINES – Quelle sociologie pour quel traitement – II – Chronologie et dessous d’une falsification

*Le 26 juin, L. Addi publie sur son blog « Réponse à El Hadi Chalabi », articulée en 3 points…
*Le 15 juillet, le seul point 3) de la « Réponse à El Hadi Chalabi » devient, grâce à la falsification opérée par S.E. Sidhoum, un article à part entière « Dialogue à bâtons rompus entre Addi Lahouari et Yazid Zerhouni » ; c’est uniquement le lien vers le blog qui mentionne subsidiairement « Réponse à El Hadi Chalabi ».

*Le 13 mai 2013 L. Addi présente lors d’une table ronde au CRASC d’Oran, un projet de recherche intitulé «Pour une approche sociologique de la violence urbaine en Algérie», repris par Le Soir d’Algérie et la presse en ligne. En même temps, la presse retient ce que rapporte le quotidien Liberté sur l’entente entre le sociologue et l’ancien patron de la sécurité militaire puis ministre de l’Intérieur, jusqu’en 1981*, N. Y. Zerhouni. Le point de vue en partage entre la recherche et la police politique méritait d’être souligné autrement que par l’annonce laconique d’un organe de presse, d’autant plus que ce qui est en jeu c’est la perception de la police présentée sous le signe consensuel du «monopole de la violence légitime».
Ces informations distillées dans l’espace public sont suivies d’un silence absolu. Elles passent l’épreuve de l’authentification et sont en passe d’être enregistrées pour la postérité. Le sociologue n’apporte ni précision, ni nuance, et se laisse porter par la douceur du consensus.
Le journal en ligne Le Quotidien d’Algérie.org (LQA) fait cependant profil bas et ne publie pas la présentation de la recherche sur «La violence urbaine». Fait d’autant plus notable que les écrits de cet auteur sont systématiquement repris, accompagnés d’une pédagogie bon enfant que sollicite le forum du quotidien.
*Le 4 juin, paraît sur notre site l’article À propos des violences urbaines. Quelle sociologie pour quel traitement. Il répondait à une nécessité : mettre sur la place publique une opinion divergente pour éclairer sur la nature de la recherche en chantier au CRASC et sur ses implications. Il fallait montrer l’ambivalence d’un discours ayant les faveurs des médias, cultivant l’aspect oppositionnel en même temps que l’apologie du régime policier derrière une construction placée sous le sceau de l’académisme. Nous savons que c’est souvent en passant par la voix des prétendants au changement que les régimes autoritaires (et singulièrement en Algérie) assurent leur recyclage et renouvellent leur durée. Notre étude avait donc pour objectif essentiel d’alerter sur la supercherie en cours et le danger de ses effets.
*Le 13 juin, à la demande de S.E.Sidhoum, je permets la diffusion intégrale de mon article sur LQA. Le malaise est manifeste. Le nombre de réactions est réduit à six, puis, sans explication, l’une d’elle est supprimée.
*Le 14 juin, parmi ces réponses figure celle de l’auteur de la recherche en question. Il cultive d’abord une forme de boutade que nous laissons à l’appréciation de chacun : « Si le DRS m’offre une fonction, j’accepterai volontiers celle de Tewfik Médiène pour mettre le DRS au service de la nation et de son avenir démocratique, et non au service d’un régime corrompu qui bloque l’avenir des générations montantes ». Puis viennent les justifications sur le rapport à N.Y. Zerhouni et sa présence à la journée d’études : « J’ai organisé au CRASC une journée d’études sur la violence urbaine en Algérie dont les médias ont rendu compte. Dans l’assistance, il y avait un certain Yazid Zerhouni et je ne vois pas comment j’aurais pu l’empêcher d’être présent à une manifestation scientifique ouverte au public. Lors de la pause-café, un journaliste de Liberté lui a posé la question s’il était d’accord avec mon analyse et il a répondu qu’il était d’accord. Le lendemain, à la page 4, le quotidien titrait : « Yazid Zerhouni approuve l’analyse de Lahouari Addi ». Il me semble que la rédaction de Liberté voulait griller Zerhouni, le présentant comme approuvant un universitaire très critique vis-à-vis du régime. C’est mon interprétation ».
Enfin, il joint le texte de présentation de sa recherche après avoir précisé que, surchargé de travail, il me répondra ultérieurement. En réponse, il n’y eut point de réaction, hormis celle de Brahim Younsi qui pointe les artifices auxquels recourt le chercheur et les formules alambiquées expliquant la présence de l’ex ministre de l’Intérieur. On ne relève aucun commentaire des ténors habituels de LQA.
À juste raison, Brahim Younsi souligne l’importance du protocole que le sociologue enjambe gaillardement. Connaissant les liens du CRASC avec les appareils administratifs et gouvernementaux, sachant pertinemment que ces milieux fonctionnent à la servilité, il est impossible qu’un ancien ministre de la dimension de N.Y. Zerhouni puisse être traité comme n’importe quel curieux oranais de passage. On verra plus loin que le faux sonne plus fort encore.
*Le 26 juin, L. Addi publie sur son blog « Réponse à El Hadi Chalabi », articulée en 3 points : Dans le point 1) il admet que «certaines des critiques de Chalabi sont méthodologiquement fondées et auraient été matière à débat fructueux si elles n’avaient pas été formulées avec une arrogance et une méchanceté qui leur enlèvent toute crédibilité. Car en effet le thème de la violence est difficile à cerner théoriquement et il n’y a pas de consensus là-dessus entre les universitaires. Il y a cependant un grave défaut théorique dans la posture de Chalabi qui présente la violence urbaine comme une forme de résistance au régime autoritaire en Algérie. Comme si le jeune qui agresse une femme à Oran résiste à l’arbitraire du régime…». Le reste à l’avenant, prenant à son compte quelques éléments de la critique qui lui est faite pour souligner le rôle de l’État et ses responsabilités.
Dans le point 2), nous apprenons ce qui suit : « Les membres de l’équipe de recherche que je dirige -et moi-même- ont pris la responsabilité d’écrire à la Gendarmerie Nationale et à la Sûreté Urbaine de la Wilaya d’Oran pour leur demander de participer à la Journée d’Etudes par des communications. Nous avons eu des réponses favorables et nous avons accueilli deux jeunes officiers, l’un gendarme et l’autre policier, qui ont présenté des exposés où ils ont montré des compétences qui ont surpris l’assistance. Il faut dire qu’ils sont issus de l’université, ce qui leur a permis d’être à l’aise dans le débat sur les approches théoriques de la violence. Pour Chalabi, toute collaboration avec la gendarmerie ou la police serait une compromission politique. Cette croyance est une erreur naïve car la Gendarmerie et la Police sont des institutions de l’Etat dont la vocation est de protéger la société. Que les dirigeants les utilisent pour maintenir le régime, c’est un fait. Mais un démocrate lutte pour que les institutions de l’Etat ne soient pas déviées de leur mission constitutionnelle. Cela vaut même pour le DRS qui est un service d’espionnage et de contre-espionnage censé protégé la nation, et qui est transformé de manière anticonstitutionnelle en police politique du régime ».
Nous sommes face à une anticipation et une illusion qui expriment une double méconnaissance des rapports réels entre la police et la norme : l’expérience renseigne sur la pratique d’un pouvoir supra constitutionnel qui tord les constitutions selon ses préférences et ses intérêts. Le rapport à la loi suppose un régime de soumission de la police à cette dernière selon des institutions adéquates qui n’existent pas. Nous sommes loin de la naïveté dont nous affuble le sociologue de « la violence urbaine » qui est, quant à lui, dans le calcul récupérateur de la police et des service secrets derrière une phraséologie de pseudo-légalité.
Enfin, dans le point 3) L. Addi en vient à la présence N.Y. Zerhouni : « La présence de Yazid Zerhouni à la journée d’études a été fortuite. Il n’a reçu aucune invitation officielle ni de la part du chef du projet ni de la direction du centre de recherche. Mais la manifestation scientifique étant publique, je ne vois pas comment et pourquoi nous lui aurions refusé l’accès à la salle. Lors du déjeuner qui avait réuni les participants à la journée d’études, la direction du centre l’a invité, en sa qualité d’ancien ministre, à prendre part au repas. Il se trouve que j’ai été placé en face de lui, ce qui a donné lieu à un échange verbal que je reconstitue de mémoire… ». Suit le contenu de cette discussion.
*Le 15 juillet, le seul point 3) de la « Réponse à El Hadi Chalabi » devient, grâce à la falsification opérée par S.E. Sidhoum, un article à part entière « Dialogue à bâtons rompus entre Addi Lahouari et Yazid Zerhouni » ; c’est uniquement le lien vers le blog qui mentionne subsidiairement « Réponse à El Hadi Chalabi ». Interpellé sur la manœuvre ainsi opérée pour :
-soit restituer toute la réponse dans son intégralité,
-soit avertir les lecteurs que LQA n’en donne qu’une partie et pourquoi,
S.E. Sidhoum choisit de s’en tenir à son faux, piétinant l’éthique dont il ne manque jamais de se prévaloir. En effet, les lecteurs sont mis devant un article en scoop, coupé de sa substance explicative, sous forme de dialogue sorti tout droit de l’imagination féconde de l’auteur de la recherche sur « la violence urbaine », couronné d’un titre qui renvoie à une double signification :
-en premier lieu, le chercheur est extrait de la connivence avec l’ancien ministre de l’Intérieur, ex patron de la sécurité militaire, et dans laquelle le maintenait le silence soigneusement observé, jusqu’à la diffusion de À propos des violences urbaines Quelle sociologie pour quel traitement.
-en second lieu, la connivence entre police et recherche se transforme en un procès tenu par le chercheur qui « fait passer un mauvais quart d’heure » à l’ancien ministre lors du repas offert. La toile s’enflamme dans un plébiscite qui a tous les ingrédients du scrutin de caserne où les procédures se confondent avec les murs d’enceinte.
Trois remarques s’imposent :
-la première a trait au protocole dont il est fait abstraction. La présence d’un ex ministre dans un centre de recherche conduit ce dernier à le mettre en place d’honneur et en évidence, et non pas tenter de le plonger dans l’anonymat comme on veut nous le faire croire. La présence à la table du repas mettait obligatoirement le ministre en face du chercheur animant la journée d’études et à côté de la directrice du CRASC ou de son remplaçant.
-la deuxième remarque nous renvoie à la convivialité de la pause-café citée d’abord dans la réponse faite sur le courrier électronique de LQA et qui disparaît dans la version du « Dialogue à bâtons rompus… » au profit d’un repas réparateur des connivences ; celles-ci cède la place à l’affrontement entre deux adversaires appartenant à deux mondes opposés.
-la troisième remarque, enfin, soulève une question élémentaire : qu’est devenue la presse présente à la journée d’études ? Un tel dialogue aurait immanquablement été capté et répercuté par tout journaliste qui s’en serait emparé même s’il n’était pas au repas. Une telle scène est rendue orpheline d’une double voracité: celle de la presse et celle du chercheur toujours friand de médiatisation.
Une fois dégagés les invraisemblances et les falsifications, il reste à s’interroger sur le pourquoi de cette dérive. Ici, se conjuguent le conflit d’intérêts et la raison d’État. En permettant la diffusion de Quelle sociologie pour quel traitement, nous avons négligé un fait notable : la dimension partisane. En effet, LQA est l’organe de presse en ligne du front du changement national (FCN), mouvement politique dont L. Addi est membre fondateur. Il en est aussi l’idéologue. L’une des pièces maîtresse de l’idéologie véhiculée par ce dernier, soit le soutien des/aux appareils répressifs (police, armée et services secrets), s’accorde aux préoccupations du FCN. Pour parvenir au changement escompté, le FCN tente de façonner une perception acceptable, légitime, de la police, de l’armée et des services secrets et de se les concilier. À la nécessité d’en combattre les méfaits, se substitue le devoir d’en souligner les bienfaits : l’État est saisi d’abord dans ses appareils d’oppression et de répression qui sont placés au centre des préoccupations de l’idéologue et de son mouvement politique. Les débats, en toute intelligence, avec des officiers, généraux, colonels, habituent les lecteurs aux jeux de substitution, tandis que l’échange frontal, conflictuel, promet des convergences futures. L’argumentaire se construit non pas sur la problématique des services secrets mais sur le respect de la constitution par ces derniers. La démarche intellectuelle est d’une importance capitale en ces temps où les perspectives de changement sont agitées de toutes parts dans une confusion propice à toutes les continuités.
En effet, le renvoi au respect de la constitution par les services secrets, l’armée, la police, suppose que le texte fondamental ait le statut correspondant à l’intérieur d’un système politique où ces questions sont de l’ordre de la souveraineté nationale et de la loi. Comme ce n’est pas le cas, la prétention à soumettre la force et la violence à la constitution est un leurre. Tant que le statut réel de la constitution la place sous la domination de l’armée et des services secrets, nous ne voyons pas comment ils peuvent la respecter autrement qu’en se substituant à elle.
La démarche préventive consisterait à isoler dans la réflexion la constitution d’un côté, police, armée, services secrets de l’autre, pour que ces derniers soient dessaisis, une fois pour toutes, de leur domination sur celle-là. En posant comme panacée le respect de la constitution par les forces de répression, sans le préalable d’une définition de l’État et des institutions démocratiques, on ne fait que reconduire les pratiques antérieures. Loin d’être soumis à la loi et à la constitution (avec laquelle, d’ailleurs, ils ne devraient avoir de rapport qu’au travers de la loi et de la représentation nationale), armée et services secrets sont reconduits dans leurs pouvoirs de maîtrise et de soumission de la loi et de sa source, la constitution.
Tels sont les enjeux masqués par le mixte recherche, politique, police et médias, entretenant la confusion et n’hésitant pas à mobiliser la falsification pour convaincre du bien-fondé du «monopole de la violence légitime». Cela augure mal des changements à venir qui ne seront que la répétition d’épisodes du passé. Ce «monopole de la violence légitime» introduit dans le domaine normatif n’est que la version académique, servie par la sociologie, d’un slogan : armée, police, services secrets avec nous.

*N.B. Contrairement à ce que nous avions écrit, N.Y. Zerhouni a été remplacé, officiellement, par le lieutenant-colonel Medjdoub Lakehal-Ayat, le 18 juillet 1981, J.O. n° 29, 21 juillet 1981, p. 707.

Lyon, le 19 juillet 2013

Addendum

La correspondance reproduite ci-après figurait dans LQA à la suite de l’article « Quelle sociologie pour quel traitement ». LQA l’ayant fait disparaître de son site, nous tenons à la rétablir par souci d’exactitude.

  1. R.Said dit :
    14 juin 2013 à 8 h 38 min
    Certes, c’est une information universitaire de haut niveau très intéressante et qui interpelle à plusieurs points, mais elle est très longue à lire. Pour quelqu’un qui ne dispose que de quelques minutes pour lire quelques articles rapidement, certainement il sauterait celui là ou il le lirait en diagonale sans le finir. Et c’est vraiment dommage. Pourquoi ? Parce que déjà le lectorat algérien de la presse conventionnelle francophone (journaux-revues etc.) ne dépasse guère 3% de la population adulte de l’Algérie. C’est-à-dire les lectrices et lecteurs de 18 ans et plus. En ce qui concerne le lectorat électronique, n’en parlons pas, le taux est également plus bas à cause de la faible connexion internet. Il y aurait quelques 8% de la population qui se connecte aléatoirement sur la toile, dont plus de 5% qui ont un abonnement régulier. Donc, c’est très difficile d’estimer le pourcentage insignifiant du lectorat francophone de la presse électronique algérienne. Bref, la question émanant de mon opinion est : combien de lecteurs algériens réellement vont lire entièrement cet article ou un autre du genre avec mure réflexion ? Du côté de la presse arabophone, bien sûr, le lectorat est beaucoup plus important. Cependant, la reflexion demeure à faire, puisque ce genre d’articles sociologiques tranchant se font rare.
  2. Ouas Ziani dit :
    14 juin 2013 à 10 h 37 min
    A lire, c’est un texte à guidage laser.
  3. AIT MOHAND OU YIDHIR dit :
    14 juin 2013 à 10 h 39 min
    Personnellement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi Monsieur LAADI Al Houari se coltine avec un personnage aussi sinistre que l’assassin Yazid Zerhouni ? Et qui lui donne raison en soutenant tous les propos développés par Si LAADI. Je trouve cela vraiment trés bizarre…(!?)

Si LAADI serait-il devenu une sorte de porte-parole du pouvoir répressif en place à Alger ? Un de ces baltaguiyas de la plume au service du système afin de justifier l’injustifiable ?

Monsieur AL HOUARI LAADI, avec tout le respect que je vous dois, je suis trés déçu qu’aujourd’hui, vous prêtez main forte à ce système totalement répressif et décadant.

Car votre étude académique fausse, en réalité, s’attaque aux EFFETS d’un problem de société et non aux CAUSES réelles de ce meme problem de société…!!!

Toutes les études antropo-éthnologiques et éthno-sociologiques réalisées sur l’Algérie depuis le 19ème. siècle (1830) démontre que le fait de violence dans la société algérienne n’est point le fait du seul peuple algérien mais de la violence IMPOSÉE (qui lui est imposéee) par le pouvoir en place.

Le peuple Algérien s’est révolté contre le colonialisme français pcq. ce dernier a imposé PAR LA FORCE au peuple Algérien le système colonial ! La RÉVOLTE par la VIOLENCE du peuple Algérien se trouve ainsi TOTALEMENT JUSTIFIÉE !

Il en est de même aujourd’hui de cette VIOLENCE qui est TOTALEMENT imposée au peuple Algérien par ce pouvoir-système mafieux ! Ici, également, et une fois de plus le peuple Algérien a le DROIT LÉGITIME pour combattre celui qui le combat par la violence d’état.

LA VIOLENCE APPELLE LA VIOLENCE !

Mais on peut également y répondre de manière beaucoup plus intelligente en opposant à la violence de l’état algérien qui s’exerce sur le people Algérien depuis 1962… par un COMBAT INTELLIGENT que le people Algérien définira avec l’aide de son intelligentia. Le people Inch’Allah ne se laissera jamais entraîner dans les méandres malsains vers lesquels veut l’entraîner malgré lui le pouvoir-système que vous disculper aujourd’hui, Monsieur LAADI vous qui êtes, si je ne m’abuse, partisan de la pseudo régression « féconde » (!?) chère au pouvoir-sytème en place pour JUSTIFIER sa VIOLENCE féroce au quotidian contre le people Algérien.

Aussi, je vous laisse en pleine conscience avec votre propre conscience… avec votre DAMIR (en d’autres termes) comme on dit si bien chez nous. Une fois de plus, encore… vous me décevez ya Si AL HOUARI.

Dommage.

 

Je voudrais vous rassurer que je n’ai pas changé de position sur le plan politique. Et si le DRS m’offre une fonction, j’accepterais volontiers celle de Tewfik Médiène pour mettre le DRS au service de la nation et de son avenir démocratique, et non au service d’un régime corrompu qui bloque l’avenir des générations montantes. Ce n’est pas le cas et, vous vous en doutez, ce ne sera jamais le cas.
J’ai organisé au CRASC une journée d’études sur la violence urbaine en Algérie dont les médias ont rendu compte. Dans l’assistance, il y avait un certain Yazid Zerhouni et je ne vois pas comment j’aurais pu l’empêcher d’être présent à une manifestation scientifique ouverte au public. Lors de la pause-café, un journaliste de Liberté lui a posé la question s’il était d’accord avec mon analyse et il a répondu qu’il était d’accord. Le lendemain, à la page 4, ce quotidien titrait: « Yazid Zerhouni approuve l’analyse de Lahouari Addi ». Il me semble que la rédaction de Liberté voulait griller Zerhouni, le présentant comme approuvant un universitaire très critique vis-à-vis du régime. C’est mon interprétation.
Je n’ai pas le temps de répondre à Hadi Chalabi aujourd’hui parce que je suis pris avec les corrections et les jurys d’examen, mais je le ferais dès que possible. Cependant, pour qu’il n’y ait aucun malentendu, le lecteur trouvera ci-dessous ma communication présentée au CRASC lors de la journée d’études. Dans le projet de recherche, il est question de violence sociale urbaine et non de violence politique comme les émeutes et les protestations ou autres grèves. Le projet se limite aux agressions dans la ville d’Oran commises par des jeunes désoeuvrés. Je soumets aux lecteurs du Quotidien d’Algérie le texte publié par Le Soir d’Algérie pour qu’ils apprécient par eux-mêmes si j’ai changé de position ou non.

Cordialement

Lahouari Addi

Pour une approche sociologique de la violence urbaine en Algérie
Par Lahouari Addi

Il n’est pas facile de définir d’emblée la notion de violence sur le plan théorique, et le débat parmi les anthropologues, sociologues, historiens et psychologues est incessant sur cette question. Pour le cadre théorique, je renvoie à trois références bibliographiques qui aideront à clarifier l’analyse d’un objet difficile à cerner. Il y a l’introduction rédigée par E. Claverie, J. Jamin et G. Lenclud parue dans la revue Etudes rurales en 1984 qui a consacré un numéro spécial intitulé Ethnographie de la violence. Il y a ensuite le séminaire au Collège de France de l’anthropologue F. Héritier publié en deux volumes en 1996 et 1999 sous le titre Sur la violence. Enfin, je signalerai le livre plus récent en anglais paru aux Etats-Unis de N. Scheper-Hughes et P. Bourgois Violence in War and Peace : an Anthology (Blackwell, 2004). Ces trois textes font prendre conscience de la difficulté à définir la violence et aident à éviter les pièges normatifs et relativistes. Notre journée d’étude se limite à la violence urbaine qui est un aspect de la violence sociale, phénomène beaucoup plus vaste. En la matière, il ne s’agit pas de juger, mais de comprendre une action de cette nature pour expliquer comment elle est rendue possible, c’est-à-dire, comment la vie sociale arrive à produire ce qui la nie, puisque la violence est partout condamnée par l’opinion publique. Le sociologue n’émet cependant pas un jugement de valeur ; il rapporte une expérience humaine et tente d’analyser les dynamiques sociologiques par lesquelles la violence apparaît. A cet effet, je retiendrais la définition fournie par N. Scheper-Hughes et P. Bourgois qui considèrent la violence comme «à la fois une atteinte au corps, à la personne, à la dignité et aux valeurs». Cette définition correspond à la violence urbaine que nous voulons étudier. La violence urbaine est objectivement une atteinte au corps parce qu’elle est très souvent une agression physique pour contraindre la victime à obéir à la volonté de l’agresseur qui arrive à ses fins en bafouant la dignité de la personne et en piétinant les valeurs admises par la société. Elle est en outre susceptible d’être constatée par un médecin et quantifiée par les statistiques des services de sécurité. La violence urbaine est toute action exercée en ville par des individus ou des groupes d’individus à l’encontre de personnes qui ne sont pas en mesure de se défendre par elles-mêmes ou de défendre leurs biens. Là-dessus, il y a un consensus au sein de l’opinion publique qui l’identifie, la nomme et qui la juge, ce qui n’est pas le cas de toutes les violences sociales. En effet, beaucoup de personnes ne considèrent pas que l’échange monétaire est une violence des nantis sur les pauvres ; beaucoup de personnes refusent de reconnaître qu’il y a une violence quotidienne sur les femmes, y compris dans l’espace familial. Les violences considérées comme légitimes ne sont pas perçues comme violence parce que ce concept appartient au registre de ce qui est juste et injuste. Il y a donc un consensus sur la définition de la violence urbaine traitée par les professionnels de l’ordre et de la loi comme de la «délinquance», comme un «délit», c’est-à- dire une violation des lois qui protègent les individus et les biens. Dans cette perspective, je soumets à votre sagacité cette réflexion théorique qui a pour référence empirique les enquêtes de terrain menées à Oran par mes jeunes collègues Abdallah Bel Abbès, Hamza Bachiri et Bouabdallah Kacemi. Je me réfèrerai aussi à la presse nationale qui est une source d’informations inestimable sur la violence sociale dans le pays. Je termine cette introduction par souligner que la violence urbaine dont il est question exclut la violence symbolique de la société inégalitaire et celle des appareils de l’Etat qui est aussi physique. Il est question de la violence utilisée par des individus privés qui défient le principe du monopole de la violence détenue par l’Etat. Nous allons voir que ce défi ne découle pas de la psychologie des acteurs et qu’il est l’expression de transformations historiques et sociologiques à grande échelle que connaît la ville en Algérie depuis l’indépendance. La violence urbaine n’est pas spécifique à l’Algérie et, si l’on compare à certains quartiers de Los Angeles ou Rio de Janeiro, Alger et Oran apparaissent comme des havres de paix. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas de ville sans violence, et il faut abandonner ce rêve utopique de ville pacifique peuplée d’anges heureux. La vie sociale est conflictuelle et elle est plus conflictuelle lorsque l’organisation de la collectivité laisse se produire des inégalités et apparaître des frustrations et des besoins non satisfaits. Il ne faut pas oublier que la société est inégalitaire et que le lien social obéit à une multitude de formes de violence : politique, économique, symbolique, etc. Ce que l’opinion publique n’admet pas, ce que les usagers de l’espace public n’acceptent pas, ce que l’Etat condamne, c’est la violence physique dont il revendique le monopole. Ce monopole interdit à tous les citoyens l’usage privé de la violence, mais ne cherche pas à établir l’égalité ou l’ordre social juste. Ce n’est pas la vocation du policier de remédier aux inégalités sociales ; son rôle se limite à interdire aux uns et aux autres le recours à la violence privée. L’Etat revendique le monopole de la violence non pour assurer la justice mais pour garantir la liberté aux pauvres et aux riches de profiter de l’espace public. Ce rappel d’un principe de philosophie politique voudrait attirer l’attention sur le caractère inégalitaire de la société où prend sa source la violence urbaine. La promiscuité sociale et la densité humaine, conjuguées à la rareté des biens, produisent la violence. Toutes les villes du monde connaissent le phénomène de la délinquance à des degrés divers. Pour mieux cerner notre objet, il faut faire l’histoire de la ville algérienne de l’indépendance à nos jours. La ville en Algérie a connu trois périodes d’exode rural important : les années 1960, à la faveur de l’indépendance ; en 1972-1974 suite aux opérations de la révolution agraire ; et les années 1990, marquées par l’insécurité dans les campagnes. C’est surtout cette dernière phase qui a le plus marqué la ville algérienne car elle était déjà à la limite de la surpopulation. En effet, dans les années 1990, Alger, Oran, Constantine… n’étaient pas équipées pour recevoir des milliers de nouveaux citadins. Ces trois phases ont marqué la ville algérienne, particulièrement la dernière car l’espace urbain était déjà exigu. L’insécurité dans les campagnes a fait fuir plus de 1,5 million de personnes obligées de quitter villages et hameaux pour s’entasser dans la périphérie des villes. La conséquence est l’irruption massive de la délinquance comme l’indiquent les rapports officiels de la police et de la gendarmerie. Les ressources se sont raréfiées, les portes de l’émigration étaient fermées, le nombre de demandeurs d’emploi augmentait chaque année…, ce qui a provoqué un déséquilibre manifeste dans la ville entre l’homme et l’espace et entre les hommes et les ressources. Sous le poids du nombre, le tissu urbain s’est gravement détérioré, la pénurie du logement s’est aggravée, les coupures d’eau sont devenues plus fréquentes, le tout accompagné d’une paupérisation durable. Citant des chiffres du recensement de 1998, le journal El Watan souligne que plus de la moitié de la population algérienne vit en zone urbaine. «Selon les derniers chiffres, 58,3% d’Algériens vivent en ville, soit 6 Algériens sur 10 en 1998. Ils étaient 4 sur 10 en 1977 et 1 sur 3 en 1966 à vivre en ville. La population urbaine s’est donc multipliée par 2,5 entre 1977 et 1998. Sur les 5,1 millions de familles recensées en 1998, 3,1 millions résident en zone urbaine…» (Z. Monia, «Les mutations de la population algérienne», El Watan, 6 août 2001). La ville devenait de moins en moins accueillante et de plus en plus dure à vivre pour les plus démunis. Elle n’était pas préparée à recevoir un si grand apport de population ni en termes d’emploi ni en termes de logements ou d’infrastructures diverses. «Cet état de fait, constate le quotidien L’Expression, a accentué les problèmes dus à la délinquance, la violence…, la prostitution, l’indigence et le chômage.» (Fayçal Oukaci, L’Expression du 19 août 2002). Profondément marquée par la guerre entre militaires et islamistes, la ville a connu une dérive vers une violence sociale visible dans les comportements collectifs et individuels. Les psychologues ont évoqué plusieurs fois les séquelles des traumatismes individuels et collectifs sur des enfants qui auront intégré le complexe de la violence exercée sur les membres de leurs familles. Ces expériences douloureuses ont touché des dizaines de milliers de personnes. Les enfants des années 1990 ont aujourd’hui entre 18 et 30 ans, cette tranche d’âge la plus difficile pour les services de sécurité. Tout est violence en ville, à commencer par le rapport marchand pour ceux qui ne peuvent se permettre d’acheter quotidiennement de la viande et des fruits. Là où il y a survie, la violence marque les relations sociales qui imposent de défendre son bien par la force. Les marchés en Algérie sont l’illustration de cette violence symbolique et physique où la présence de la police est indispensable pour garantir un minimum de sécurité. Les riches viennent s’y approvisionner et se faire voir ; les moins riches viennent acheter en calculant ; les pauvres déambulent en espérant rencontrer des âmes généreuses pour leur donner quelque pièce. Les plus hardis de ces pauvres n’hésitent pas à voler qui un porte- monnaie, qui un morceau de viande, qui une radio-cassette d’une voiture en stationnement… L’une des raisons de cette violence généralisée est l’extension de la pauvreté et la rareté des ressources, enjeu de survie pour de nombreux groupes sociaux. Des scènes inédites marquent désormais les paysages urbains où des femmes avec nourrissons dans les bras dorment dans les rues, des enfants âgés entre 5 et 15 ans errent en groupes à la recherche de nourriture et d’abri, des mendiants par dizaines arpentent les trottoirs… Tout cela dans l’indifférence d’une population qui semble accepter avec fatalité une situation où l’individualisme exacerbé fait des ravages, y compris dans les relations familiales. Il n’est alors pas étonnant que la violence soit une ressource à laquelle certains ont recours pour se protéger ou se procurer ce dont ils ont besoin. Les agressions dans la rue en plein jour, les effractions des appartements, le vol à la sauvette dans les lieux publics… sont devenus une banalité désormais intégrée dans la vie quotidienne. Pour sortir de nuit, il vaut mieux être en groupe et éviter les endroits non éclairés. Les autorités y répondent par la répression, entassant de plus en plus de personnes dans des prisons déjà surpeuplées, secouées de temps à autre par des mutineries rapportées par la presse. Se sentant menacés, les riches se barricadent dans leurs villas somptueuses, abandonnant les lieux publics aux démunis. Lieu de rencontre de personnes se percevant les unes et les autres sans généalogie ni identité statutaire, la ville est l’espace où tout est permis : agressivité des uns vis-à-vis des autres, manifestation de l’instinct de survie, désir de puissance, volonté d’accumuler… Chargé de conflictualité, l’espace public fonctionne à la violence symbolique et physique où, comme le dit l’expression populaire, «esmine yakoul hefna» (le gros poisson mange le petit). Mais que fait la police, dira-t-on. La police, c’est comme les pompiers qui ne sont efficaces que si un seul immeuble prend feu. Si la moitié de la ville prend feu, ils restent impuissants. La société algérienne est sous le feu de grandes mutations sociologiques qui ne sont ni encadrées par les élites dirigeantes ni pensées par les élites académiques. Les Algériens subissent des dynamiques que ni l’Etat ni les élites ne maîtrisent. La violence dans l’espace urbain est l’illustration de cette incapacité que la rente pétrolière a cachée jusqu’ici. Dans un dossier consacré à la violence urbaine, le journal El Watan du 5 octobre 2012 rapporte des faits intéressants pour nous. Le journaliste a rencontré Nassim, un jeune homme de 21 ans de Baraki, qui raconte comment il est devenu membre d’un «gang» qui a fait de la violence une source de revenus. «Quand j’avais 18 ans, raconte le jeune homme, je tenais une table au marché de Boumati. Un jour, des jeunes sont venus me racketer sans que personne ne lève le petit doigt. Mon cousin, à qui j’avais donné leur signalement, a pu identifier l’un d’eux et m’a expliqué qu’il s’agissait d’un “gang”.» Avec des jeunes de son quartier, Nassim et son cousin se sont vengés en utilisant des sabres et des couteaux. Un nouveau «gang» était né, avec son code d’honneur, ses règles, sa hiérarchie, son territoire et ses faits et méfaits. Certains de ses membres feront de la prison d’où ils sortiront avec une légitimité qui ajoutera au respect qui est leur est dû par les autres «gangs». Les enquêtes de terrain menées par mes jeunes collègues à Mdina Jdida, Derb et Saint- Pierre à Oran reproduisent la même narration d’émergence de groupes avec des leaders entreprenants et pour qui délester une femme de ses boucles d’oreille dans la rue est un acte banal. C’est une activité «légitime» pour se procurer de la drogue et des habits de marque. Mes jeunes collègues ont fait une ethnographie de ces gangs avec la méthode de l’observation participante qui leur a permis de se familiariser avec un univers social qui a son langage, ses rites, ses mœurs et son rapport au temps. Le temps et l’argent ne sont pas appréciés avec les critères de l’employé qui attend sa paye chaque fin de mois. Souvent, dans le gang, la journée commence à midi et se termine vers 4h du matin sous les effets de l’alcool et de la zetla. Ces enquêtes rapportent des dynamiques de groupe avec ses phénomènes de leadership, de solidarité et de protection en contrepartie d’allégeance. Ce qui est à souligner, c’est que ces gangs ne vivent pas à la marge de la société à laquelle ils sont intégrés par les activités de l’économie informelle. Ces gangs contrôlent des réseaux de parkings de voitures, de vente de cigarettes de trabendo et de vêtements de contrefaçon, de recel d’objets de valeur volés, etc. Les enjeux financiers de ces activités sont estimés à des centaines de millions de dinars. Il y a aussi les opérations de racket dont a été victime le jeune Nassim à qui il a été demandé de payer un pourcentage sur le chiffre d’affaires. Ce dernier a refusé et a formé son gang, mais d’autres acceptent de payer pour être protégés des autres groupes prédateurs. Par certains aspects, la ville algérienne ressemble désormais à Naples, Brooklin ou Mexico. Paradoxalement, et ce sera ma conclusion, c’est aussi cela la modernité, et, de ce point de vue, l’Algérie se modernise en tuant la sociabilité traditionnelle qui faisait du groupe le bouclier protecteur de l’individu. Le groupe s’est malheureusement désintégré sous les effets de l’échange marchand qui a appris aux Algériens à compter le dinar pour le réserver à lui-même. Je ne suis pas nostalgique de l’ordre traditionnel, et les mutations que subit la société sont inéluctables. Je dis seulement qu’il faut accompagner ces mutations par le droit et la planification, si on ne veut pas avoir à faire à des dizaines de Zenjabi dans quelques années. Il faut aujourd’hui commencer à construire pour l’Algérie des 60 millions d’habitants et non pas penser doubler le nombre de policiers le moment venu. La répression à elle seule n’est pas efficace à résoudre le problème de la violence urbaine.

Communication prononcée à la Journée d’étude sur la violence urbaine en Algérie, organisée au Crasc, Oran, le 13 mai 2013.

 

Nous avons bien compris que vous ne faites reference, uniquement, qu’a la violence «sociale» en milieu urbain et non pas à la violence «politique».

Soit, mais ce que vous avez omis de dire, c’est que la violence sociale en milieu urbain ou autre a pour soubassement en premier et dernier resort la violence politique dûe essentiellement d’abord à une VOLONTÉ POLITIQUE délibérée du pouvoir/système politique en place en Algérie contre les jeunes essentiellement.

Il a en Algérie, et vous ne l’ignorez point, Cher Professeur, tout un programme POLITIQUE adossée à une VOLONTÉ POLITIQUE délibérée qui pousse nos jeunes à recourir systématiquement à la violence sociale en milieu urbain (mais pas que) pour se défendre contre cette volonté POLITIQUE discriminatoire de l’état de vouloir les MARGINALISER des bancs de notre société.

C’est une réaction épiphénoménale en quelque sorte basée sur l’auto principe du: toute action politique du pouvoir faite à l’encontre de nos jeunes appelle à une réaction (à moins que ce ne soit une manip…) saine et légitime de la part de nos jeunes par la seule arme de defense qu’ils possèdent: la VIOLENCE SOCIALE (légitime) !!!

Donc, à VIOLENCE POLITIQUE délibérée VIOLENCE SOCIALE LÉGITIME… de nos jeunes en milieu urbain ou larbin !

 

Je vous respecte beaucoup pour votre opposition au régime et votre érudition, mais je ne vous cache pas que j’ai été très déçu d’apprendre que vous avez acceptez de présider une conférence dans un pays de troglodytes où les thèmes sont toujours …balisés.

Vous avez peut être de bonnes intentions ,que moi j’ignore, en acceptant de ne traiter la violence que dans un intervalle imposé.

La violence du pouvoir apparemment a été absente dans votre colloque alors qu’une bonne part de la violence urbaine et de la violence qu’on constate dans le comportement de nos pôvres adolescents livré à eux même est à imputer aussi et surtout à la gouvernance du pays et à sa gestion politique, économique et sociale d’une manière générale.

Sur çà, c’était motus et bouche cousue. Mais bon, chacun est libre de faire ce qu’il croit utile au pays n’est-ce pas !

J’espère que je me trompe.

  • Brahim Younessi dit :
    16 juin 2013 à 13 h 43 min
    Le cardinal de Retz a parfaitement raison : «on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment». El Hadi Chalabi, que je salue, a administré une belle correction à ces impénitents donneurs de leçons dont seule leur carrière compte.
    Qu’elle est belle cette phrase de conclusion du non moins beau texte de Chalabi : « Que dire, alors, de l’univers algérien où les pôles de recherche diversifiés, propices aux opinions différentes, voire dissidentes, n’existent pas et où la gestion des carrières veille à maintenir les chercheurs sous influence. » Ce verbe « maintenir », judicieusement employé, nous dit le lien organique entre « l’intellectuel » et les institutions.
    En posant que seul l’Etat détient « le monopole de la violence légitime » et qu’il est le seul à « accepter la violence privée » voire à l’organiser – [formation de groupes d’autodéfense, gardes communaux, patriotes, armement de civils…] – l’intellectuel ou « le chercheur sous influence » postule que l’Etat algérien est démocratique pour détenir la légitimité de la répression pensée en tant que privilège du pouvoir à user de la force pour contraindre physiquement.
    La thèse wébérienne soutenu par « l’intellectuel sous influence » repose sur une conception individualiste des faits sociaux, excluant le milieu, notamment le régime autoritaire qui génère l’instabilité, les injustices et les inégalités.
    La violence urbaine débattue par le Crasc d’Oran, en mai dernier, prise comme approche sociologique par une équipe de jeunes chercheurs, dirigés par Addi Lahouari, qui ont été immergés, ainsi que le rapporte le journal El Moudjahid, « dans des gangs constitués dans quelques quartiers de la ville d’Oran » en collaboration avec une brigade spéciale de lutte contre la criminalité, nouvellement installée à Oran, est analysée, El Hadi Chalabi le dit excellemment, comme le fait d’une classe dangereuse formée de jeunes des milieux populaires incriminés, ne respectant ni les normes établies ni la loi ni l’autorité des parents, ni surtout celle de l’Etat, ni la morale ni les valeurs. Un comportement déviant, selon ces « chercheurs sous influence », qui justifie, pleinement, à leurs yeux, la politique sécuritaire répressive du pouvoir.
    Cette journée d’études sur « La violence urbaine en Algérie » gérée par le Crasc qui agit comme un « think tank » gouvernemental, a été organisée par la sûreté de la wilaya d’Oran, ce qui explique, très largement, la présence, loin d’être fortuite, de l’ancien ministre de l’Intérieur, Nourredine Yazid Zerhouni, représentant, indéniablement, le bras armé du régime. Yazid Zerhouni n’est pas rentré dans la salle parce qu’il a vu la lumière, il était un des invités officiels du colloque. L’accord qu’il a exprimé avec l’analyse faite par Addi Lahouari est significatif de l’approche « scientifique » du discours dont les certitudes récusent la méthodologie.
    Cette approche sociologique de la violence urbaine en Algérie n’a pas pour objet la violence ni le droit mais l’Etat en tant que «détenteur exclusif du monopole de la violence légitime». Georges Sorel qui l’a déjà dit dans « Réflexions sur la violence » écrit que l’une « des pensées fondamentales de l’Ancien Régime avait été l’emploi de la procédure pénale pour ruiner tous les pouvoirs qui faisaient obstacle à la royauté. Il semble que, dans toutes les sociétés primitives, le droit pénal ait commencé par être une protection accordée au chef et à quelques privilégiés qu’il honore d’une faveur spéciale. […] Ce qui est décisif, ce n’est pas qu’on soit violent, c’est qu’on le devienne.»
    Vouloir donner une définition universelle de la violence urbaine, est déjà une position politique suffisamment claire pour dire, comme le fait El Hadi Chalabi qui connaît les hommes et les lieux, que l’intellectuel en question est sous influence.